Réunions au parc, cafés sur le lieu de travail, vacances illimitées, siestes autorisées, ballons d’exercice pour s’asseoir… Au Québec comme ailleurs, le bien-être au travail n’a jamais été autant pris en compte par les employeurs. Pourtant, un tiers des employés canadiens estiment être plus stressés par leur travail qu’il y a cinq ans, selon un récent rapport du cabinet-conseil en ressources humaines Morneau Shepell.
Cette hausse serait liée à l’augmentation du sentiment d’isolement au travail, soit le fait d’être seul ou de manquer d’amis ou de soutien. Or, 64 % des employés et 73 % des cadres sondés se sentant très reclus au travail sont plus susceptibles de ressentir un niveau de stress élevé.
L’isolement est en effet un facteur majeur de l’aggravation de l’état mental et physique. « Le stress détériore la santé physique et mentale — douleurs chroniques, troubles du sommeil — et mène, parfois, à la dépression et à l’anxiété », déclare Stephen Liptrap, président et chef de la direction de Morneau Shepell.
L’idée fait légion dans les études scientifiques : les interactions sociales entre collègues sont cruciales au bien-être. L’affiliation sociale relève des besoins psychologiques fondamentaux. Selon Jacques Forest, professeur titulaire à l’ESG UQAM, le sentiment croissant d’isolement au travail démontre que ce besoin n’est pas comblé…
Bien-être
Paradoxalement, 67 % des employés sondés par Morneau Shepell estiment que leur organisation crée un environnement sain et propice à leur bien-être mental. Ils sont autant à trouver que leur milieu de travail a un effet positif sur leur santé mentale.
« Même si vous avez les plus beaux bureaux, des chaises ergonomiques, un gym, du yoga tous les midis, que les locaux sont éclairés et que tout est merveilleux, les besoins psychologiques ne sont pas plus satisfaits », explique Jacques Forest. La charge de travail reste le même — ou s’accroît — ce qui réduit les interactions par nécessité de concentration et d’efficacité.
La focalisation sur le bien-être des employés est une tendance née après la crise économique de 2008 et adaptée de la psychologie positive (selon l’idée que les personnes heureuses réussissent mieux). Par conséquent, on estime qu’un employé heureux est plus efficace et plus productif.
Consolidation d’équipe
C’est ainsi que se sont développées les activités de consolidation d’équipe (team building). Seulement, ces divers avantages ne sont que des « compensations insuffisantes » face à l’augmentation de la charge et du rythme de production, estime Jacques Forest.
Quand elle est couplée aux impératifs de performance et d’autonomie, une telle injonction au bonheur peut pousser à l’insécurité, à l’isolement et à la culpabilité. Les collègues deviennent des concurrents et chacun doit à la fois être heureux et produire individuellement des résultats pour être récompensé (en avantages ou en salaire). Ainsi, ceux travaillant dans un environnement axé sur le bien-être sont tout aussi sensibles à la détresse psychologique.
« Il n’est pas contre-productif de prendre soin des gens, mais il faut le faire de façon à véritablement satisfaire les besoins fondamentaux, conclut Jacques Forest. Ces besoins sont l’étoile du Nord qui guide nos actions… »
Article initialement publié sur le site du Journal de Montréal.