Tous les jeudis soirs depuis quatre semaines maintenant, le restaurant Mazbi, seul restaurant yéménite à Montréal, et le duo Tihamah Ensemble organisent une soirée-bénéfice pour soutenir la population yéménite. Au Yémen, la vie quotidienne est depuis six ans rythmée par la guerre civile entre les rebelles Houthis et les fidèles de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Chacun est invité à donner de l’argent qui sera directement envoyé aux populations dans le besoin. Plus de deux tiers de la population ont besoin d’aide, selon l’ONU.

Nail vit au Québec depuis 1998. Il est venu pour étudier à l’université Concordia. Ingénieur de formation, il a finalement décidé de représenter la culture et la nourriture uniques de son pays. S’il a accepté d’organiser ces soirées-bénéfices, c’est pour accentuer cette promotion et donner une voix à la population yéménite.
« La guerre au Yémen dure depuis plus de six ans maintenant et personne ne s’intéresse à sa population. C’était l’idée de Rami [l’artiste] d’organiser ces évènements tous les jeudis », explique-t-il. Le but est donc d’aider la population, mais aussi de montrer la culture du pays. « Plusieurs oncles et ma cousine sont encore au Yémen. Ils sont en sécurité, mais la pauvreté est très forte. Ils n’ont pas toujours accès aux ressources de base comme l’électricité, l’eau, la nourriture. Ils n’ont pas d’autres choix que de rester là-bas. Même avec de l’argent, ce n’est pas facile de partir. Mais ils se sont adaptés, les Yéménites s’adaptent à tout », raconte Nail.
Rami, musicien palestinien passionné par la musique yéménite

Rami est membre du duo Tihamah Ensemble, qui joue de la musique traditionnelle du Yémen et du Hijaz, la région à l’ouest de la péninsule arabique. Ce soir, il joue seul de l’oud (instrument à cordes pratiqué dans le monde arabe notamment), car son partenaire percussionniste est très occupé et ne peut participer avant quelques semaines.
Rami est d’origine palestinienne, mais il se passionne pour la culture du Yémen et surtout pour sa musique. » C’est une musique très peu mise en valeur, alors que je la trouve beaucoup plus intéressante. On dit que le rythme particulier vient du rythme des pas des chameaux. Peu de Yéménites de mon entourage connaissent ces morceaux traditionnels que je joue. Ils écoutent plus souvent des chansons d’autres pays arabes et pensent que leur musique est bizarre ! », raconte le musicien. En 2018, il a été l’un des organisateurs de l’évènement d’un évènement de charité qui a permis de récolter 5 000 $ pour venir en aide à la population.
« C’était difficile de trouver un organisme qui aide directement les gens sans qu’il y ait beaucoup de frais administratifs, mais aussi qui soit reconnu au Canada. Mais j’ai trouvé l’association Yemeni Community in Canada. Hamza Shaiban [le président] s’occupe d’envoyer des fonds aux personnes dans le besoin, il connaît des personnes là-bas pour faire le transfert de façon sécuritaire et efficace », explique l’artiste.
« J’ai décidé d’organiser ces soirées tous les jeudis pour que les Yéménites sentent qu’ils comptent et qu’on les voit. Le conflit au Yémen n’intéresse plus personne, c’est devenu normal ce qu’il se passe là-bas », déclare-t-il.
Abdullah
« J’ai de la famille et des amis là-bas. En tant qu’individu, je pense que je dois agir pour les aider à avoir une meilleure vie », raconte Abdullah, étudiant à l’université Concordia et vice-président de l’association des étudiants arabes.
« J’ai de la famille et des amis là-bas. En tant qu’individu, je pense que je dois agir pour les aider à avoir une meilleure vie », raconte Abdullah, étudiant à l’université Concordia et vice-président de l’association des étudiants arabes.
À la question, « sont-ils en sécurité ? », il répond : « En ce moment, ils essaient de survivre, donc non ils ne sont pas en sécurité. À chaque fois qu’ils vont d’un endroit à un autre, ils sont en danger. Quelques jours, ils n’arrivent pas à trouver à manger. Et peu d’associations caritatives pensent à leur donner directement. Il y a beaucoup de restrictions et acheminer de l’aide est difficile [notamment en raison de l’ingérence de pays étrangers dans le conflit] ».
Reportage initialement posté sur la page Instagram de la Converse